Au début de l’année 1789, la réunion des Etats-Généraux fut décidée à Versailles pour trouver le remède à la crise financière qui secouait les finances publiques . Pour préparer ces Etats-Généraux, il fut nécessaire d’établir une liste des besoins et des désird de la population du royaume afin que le roi en fût informé et que les Etats puissent en débattre et y apporter une solution . Ainsi chacun des trois ordres ( la noblesse, le clergé et le tiers-état c’est-à dire la petite bourgeoisie et le peuple, le plus concerné par ces mesures ) prépara-t-il un cahier dit de « doléances » . Ces cahiers sont aujourd’hui visibles aux Archives Départementales et celui d’Orvault, sous forme de microfilms, porte la côte 2MI 25 R2. Ce cahier, comme pratiquement tous les cahiers de doléances, fut écrit par les ‘notables’ de la paroisse réunis le 6 Avril 1789 au son de la cloche de l’église après que la réunion fut annoncée au prône de la grand
messe le 24 mars 1789, sur ordre du sénéchal de Nantes . Comme dans beaucoup d’autres occasions, la ligne à suivre pour la rédaction de ces cahiers fut décidée à Paris par quelques militants révolutionnaires et des modèles de cahiers furent préparés et adressés à nombre de paroisses du royaume . Il suffit de comparer le modèle ci-dessous avec le texte du cahier de doléances présenté par la paroisse d’Orvault pour constater que les Orvaltais n’eurent pas beaucoup d’imagination et peu de désirs à cette occasion .
Messieurs,
Le Roi a pris la résolution juste et bienfaisante d’entendre tous ses Sujets, sans distinction de rang et de fortune; il veut qu’ils concourent tous à nommer les Représentants ou Députés aux Etats-Généraux,qu’ils aient tous la faculté de faire connaître leurs souhaits et leurs doléances.
Vous serez convoqués, Messieurs, à vous assembler vous aurez à former un Cahier de Charges, c’est-à-dire à écrire ce que vous souhaitez, ce dont vous avez à vous plaindre.
C’est le Roi lui-même, qui vous y invite, ainsi rien ne peut vous détourner de répondre à la sagesse de ses vues et à sa bonté paternelle. Dites-lui avec confiance (si telle est votre façon de penser):
S I R E.
Nous nous plaignons d’être seuls assujettis à la Corvée des grandes Routes qui a dépeuplé nos Campagnes de gens riches et augmente notre misère.
Du sort de la Milice qui nous arrache des enfants utiles et souvent nécessaires
Des Corvées et servitudes féodales trop étendues et trop onéreuses, et d’autant plus odieuses qu’elles donnent lieu à la vexation des Officiers des Seigneurs, et à la dévastation de nos Campagnes
Des Etablissements des Fuies et Garennes.
De l’inégalité de la répartition des Impôts qui fait que nous sommes trop imposés.
De l’injustice des Impôts privatifs à notre Ordre, ce qui nous fait payer seuls les Fouages extrarodinaires, le casernement, les Milices, les francs Fiefs, les Droits sur les Eaux-de-Vie et Liqueurs, etc.
De la prétention de nos Seigneurs, qui pensent que les terres vagues et communes leur appartiennent et font partie de leur Domaine, lorsque, suivant le droit naturel, elles doivent appartenir à tous; et nous demandons donc, pour terminer la contestation ruineuse entre les Seigneurs et les Vassaux, une Loi qui décide enfin la propriété des vagues communs à tous et partables entre tous
De n’avoir eues jusqu’ici aucun Représentant aux Etats de la province d’où vient sans doute que les charges de l’État sont entassées sur nos têtes
Il vous restera à faire connaître vos souhaits et nous croyons que vous pouvez dire avec vérité :
SIRE, nous souhaitons conserver les droits de citoyens et être admis à l’avenir à nous faire représenter à toute Assemblée Nationale.
Que dans ces Assemblées nos Représentants soient au moins en nombre égal à celui des Ordres privilégiés et que leurs voix y soient comptées par tête
Que nos représentants ne puissent être ni Nobles, ni Ennoblis ni Ecclésiastiqucs mais toujours de notre Ordre; qu’ils ne puissent même être choisis parmi les Officiers et Gens des Seigneurs et Ecclésiastiques ils seraient trop intéressés à suivre des impulsions étrangères
Que dans toutes nos Assemblées, nul ne puisse nous présider, qu’autant que la réunion des suffrages l’aura fait élire
Que notre liberté soit aussi sacrée que celle de tous autres Citoyens; que tous enrôlements forcés soient Supprimés sauf à les remplacer par les enrôlements à prix d’argent
Que toute Loi qui nous exclurait de parvenir à tous emplois civils et militaires, soit supprimée, de même que toute Loi qui distingue,à raison de la naissance, les peines pour les crimes de même nature
Que nos propriétés ne soient pas moins respectées que celles des autres Citoyens; que tous Impôts soient à l’avenir supportée d’une manière égale, et par chacun en proportion de sa fortunes sans distinction d’Ordres
qu’il n’y ait qu’un seul Rôle pour tous et qu’on supprime tous impôts particuliers sauf à les remplacera s`il est besoins par des impositons générales
Que l’ouverture et l’entretien des grandes Routes ne soient plus à notre charge, mais que la dépense en soit faite par le Trésor Public, puisqu’elles sont utiles à tous
Que les Lois qui rendent les Corvées et servitudes féodales, imprescriptibles et infranchissables, soient remplacées par une Loi qui permette à chaque vassal de les franchir sur le pied de leur valeur fixée par notre coutume, et que le franc-aleu soit de droit public;c’est le seul moyen de nous attacher à nos propriétés, et de nous sauver des suites ruineuses de la fiscalité des Seigneurs
Que la justice ne puisse être rendue qu’au nom de votre Majesté; que nous ne puissions être traduits que dans des Tribunaux ordinaires établis par Elle et auxquels seront admis tous les Citoyens à raison de leurs talents et sans distinction de leur naissance , sans qu’il puisse exister de tribunaux d’attribution; que dans notre paroisse il soit seulement établi un Juge de Paix, un greffier et un notaire
Que l’Etat ayant peu de ressources pour payer les dettes on verse au Trésor-Royal tout le produit des annates provisions ou dispenses etc
que le sort de notre Recteur soit amélioré et son revenu augmenté par la réunion de biens écclésiastiques de la Paroisses jusqu’à 2400 livres au moins
Qu’il soit ordonné par chaque Evêché une caisse pour le soulagement des pauvres et que le tiers du revenu de tous les biens Ecclésiastiques de chaque Paroisse soit versé à cette caisse dont les fonds seront répartis par un Bureau de Citoyens choisis dans la Ville Episcopale et distribués aux pères des pauvres de chaque Paroisse
Notre amour du bien public nous a déterminés à vous retracer les doléances et les souhaits que nous formerions avec vous si nous faisions partie de votre Assemblée.Nous croyons que notre motif vous fera accueillir nos réflexions et nous désirons qu’elles puissent vous être de quelque utilité
Cahier de Doléances présenté par les habitants de la paroisse d’Orvault>
Aujourd’hui six Avril 1789 en l’Assemblée convoquée au son de la cloche à la manière accoutumée au lieu ordinaire des délibérations de la paroisse d’Orvault par devant nous Julien Romain GINGUENE procureur fiscal des juridictions d’Orvault président et de monsieur le sénéchal
Se sont assemblés en grand nombre les habitants et propriétaires de la dite paroisse et différents états tous nés françois agés de plus devingt-cinq ans compris dans les rôles des impositions de la dite paroisse composée d’environ cent cinquante gens , lesquels pour obéir aux ordres de la majorité portés par ses lettres donnée à Versaille le 24 Janvier 1789 pour la convocation et tenir des états généraux de ce royaume et satisfaire aux dispositions du réglement y annexé ainsi qu’à l’ordonnance de Monsieur le Sénéchal de Nantes dont ils ont déclaré avoir parfaite connaissance tant pour la lecture qui vient de leur être faite que par la lecture et publication faite ci-devant aux prônes de la messe paroissiale par Mr le recteur le 29 Mars dernier et par la lecture, publication et affiche pareillement faite le même jour à l’issue de la dite messe au devant de la porte principale de l’église
Nous ont déclarés s’être occupés et avoir délibéré ensemble sur les doléances, plaintes et remontrances qu’ils avaient à faire ! mais qu’ils n’en peuvent représenter le cahier par faute d’avoir entre eux quelqu’un qui put le former et que pour y suppléer ils déclaroient se rapporter à ce que tous les députés de l’évesché réunis à Nantes feroient et conviendroient à cet égard
Suivant l’article vingt-huit des lettres de sa Majesté du vingt-quatre janvier dernier et ordonnance de Mr le Sénéchal de Nantes et de suite les dits habitants après avoir mûrement délibérés sur le choix des députés qu’ils sont tenus de nommer en conformité des dites lettres du Roi et réglements y annexés, ils ont unanimement et d’un concer général élus et nommés :
Isaac THEBAUD de la Guilmotière
Toussaint CHATELLIER de la Guidoire
en cette paroisse qui ont acceptés la dite commission et promis de s’acquitter fidèlement et leur ont expréssement recommandés de se trouver demain sept de ce mois à l’assemblée qui se tiendra en la grande salle de l’Hôtel de Ville de Nantes devant Mr le Sénéchal de la même ville et leur ont donné tous pouvoirs requis et nécessaires à l’effet de les représenter en la dite Assemblée pour toutes les opérations prescrites de l’ordonnance susdite de Mr le Sénéchal de Nantes comme aussi de donner pouvoirs généraux et suffisants, de proposer remontrer aviser et consentir tout ce qui peut concerner le bien de l’Etat.La réforme des abus et l’établissement d’un ordre fixe et durable dans toutes les parties de l’Administration, la prospérité générale du Royaume et le bien de tous et chacun des sujets de sa majesté, et de plus ,nommément et spécialement de représenter aux états généraux :
premièrement que la perception du droit de francfief est infiniment onéreux et dommageable pour le tiers état et surtout pour les paysans et gens de campagne qui possèdent quelques biens nobles et particulièrement en cette paroisse dont quelques habitants ont presque tous leur petite fortune, et peu qui n’en n’ait au moins quelque partie, que l’exercice de ce droit ( qui quelquefois se paye pour le même objet deux et trois fois par an ,tant pour l’expiration des vingt ans depuis le précédent payement que par la mort successive des possesseurs et la vente et revente des dits biens ) les rend de trop petite valeur dans le commerce,que les fouages dont ils sont exempts n’est qu’un avantage de peu de conséquence qui n’indemnise pas à beaucoup près du payement du francfief , que si par raison des besoins de l’Etat il n’est pas possible de se priver du produit de la perception,ce produit peut être remplacé et par l’assujetissement des terres nobles aux fouages et par une imposition générale surtout pour les sujets du Roi comme les autres impôts et par addition
secondement De solliciter qui sait faire un réglement pour parvenir à empêcher les mendiants étrangers et non natifs de cette paroisse et de s’y reprendre ainsi que dans les autres campagnes et d’y vagabonder, de représenter que leur nombre est si grand surtout en cette paroisse tant par sa proximité de Nantes que par sa situation entre deux grandes routes, qu’il est peu de semaines qui n’en passe des vingt trente et quarante quelquefois , qui outre qu’ils dérangent les habitants surtout les paysans , tant pour les forcer à leur donner l’aumône qu’à les coucher , c’est que la plus part de ces mendiants sont valides et ne mendient que par vaincantises, que l’on peut même dire qu’ils sont fainéants et fripons, que bien souvent il se fait de nuit et de jour ,lorsque les paysans sont à leur travail, des vols tant de leurs volailles, moutons et autres menus bestiaux que meubles et linges bardes et ustensiles faciles à emporter, qu’il est très à présumer que ces vols se font par ces mendiants et d’autant plus qu’on y à différents soirs surpris de ces malheureux, qu’il serait donc bien de la sagesse des Etats Généraux de prendre des délibérations à ce sujet afin détablissement de maisons et refuges pour renfermer tous les mendiants valides et invalides et autres vagabonds et gens sans aveu sauf à et faire travailler suivant leur force et leur faculté , au surplus les dits habitants ont enjoints et recommandés aux dits députés de se conformer en tout ce qui est prescrit et ordonné par les dites lettres du Roi ,réglements y annexés et ordonnance susdite, des quelles nominations nous a tour à tour les susdits comparants donnés actes et avons signés avec ceux des dits habitants qui savent signer notre présent procès-verbal ainsi que la duplication et avant la signature les dits comparants qu’il charge les députés cy-devant nommés, de former dans le cahier de doléances qui sera dressé par les députés du diocèse assemblés demain à Nantes, ils les chargent encore de demander, primo que le tirement de la milice soit supprimé,secundo que les chartiers sujets au transport des troupes ne soient tenus de les conduire qu’à la distance de trois lieues , ou que le payement par harnais soit augmentés à proportion de la route qu’ils courrent au-delà, tertio que le droit d’octroi et entrée de ville soient aussi supprimés et que les grandes routes soient bien entretenues par marché dont le prix sera payé au moyen d’une imposition sur tous les sujets du Roi tant des villes que des campagnes de quelque condition qu’ils soient et ce la livre de capitation,quinto que toutes les garennes soient détruites détruire les lapins à cette fin d’avoir des fusils chez eux.fait comme devant et avoir remis le présent aux députés cy-devant nommés pour constater leur pouvoir le dit jour et an que devant
Procès-Verbal du désintéressement des habitants d’Orvault
L’An mil sept cent quatre vingt neuf le vingt-huit septembre nous Julien germain GINGUENE procureur féodal des juridictions d’orvault rapporte que sur réquisitoire de Jean CHOIMET et Pierre HAURAY fabriqueurs en charge de la paroisse d’Orvault nous être transporté en la sacristie de l’église paroissiale d’Orvault en conséquence de la lettre écrite le 29 Août dernier par Mrs les députés de la Sénéchaussée de Nantes à Mr BELLABRE sénéchal de Nantes , de l’extrait du cahier de doléances de la même sénéchaussée rapporté par procès-verbal du sept Avril dernier et jours suivants contenant les articles 25,155 et 186 du dit cahier de doléances et de la lettre du cinq de ce mois écrite par Mr le sénéchal aux dits fabriqueurs en charge et de publication et convocation des habitants de la dite paroisse d’Orvault le tout lu et publié au prône de la grand-messe de la même paroisse le jour d’hier par Mr le recteur d’ycelle pour en conséquence de tout quoy dis-je rapporter procès-verbal de l’avis des habitants d’Orvault sur les nouveaux pouvoirs à donner aux dits sieurs députés de la dite sénéchaussée de Nantes relativement à leur dite lettre environ neuf heures de ce jour laquelle était fixée pour la dite assemblée et où s’y est trouvé que les dits fabriqueurs en charge, Louis SIMON sacristain, et maître Joseph BOUCHAUD pour qui avons fait ,par le dit SIMON au son de la cloche, appel des dits habitants d’Orvault et avons attendu jusqu’à onze heures et demie en compagnie des dits fabriqueurs en charge, du dit SIMON et de maître BOUCHAUD
sans qu’aucun autre habitant de cette paroisse se soit présenté de quoi nous rapportons le présent procès-verbal pour valoir et servir ce que de raison
Arrêté en la dite sacristie sous notre seing, ceux du dit HAURAY et du dit maître BOUCHAUD et avons remis au dit CHOIMET un des fabriqueurs cette copie du dit procès avec fonction à lui de la porter et remettre à mon dit sieur le sénéchal de Nantes mercredi prochain au plus tard avant les huit heures du matin les dits jour et an
BIBLIOGRAPHIE
Microfilm 2 MI 25 R2 aux A.D de Loire-Atlantique
Les Annales de Nantes et du Pays Nantais ( N° 170)
|